Quelles sont les étapes du deuil ?
Petites et grandes pertes
Le deuil est une expérience que nous traversons tous à un moment ou à un autre de notre vie.
Nous pouvons vivre des pertes, petites ou grandes : un objet auquel on tenait, un endroit qui a été démoli, notre animal de compagnie, un proche, un parent, un enfant...
Il n'y a pas de hiérarchie dans la douleur, et aucune perte ne doit être minimisée sous prétexte que l'enfant ne comprend pas ce qui lui arrive par exemple, ou qu'il ne s'agissait que d'un portefeuille... on pourra en acheter un nouveau !
Mais si on tente de regarder à travers les yeux de la personne qui vit cette perte : l'enfant ne ressent-il vraiment rien parce qu'il n'exprime rien ?
Quelle valeur avait réellement cet objet pour la personne qui l'avait perdu ? Etait-il synonyme d'identité depuis qu'elle avait quitté son pays, étant le seul objet qui la rattachait à ses origines ?
Processus unique
Le deuil est un processus qui peut être très douloureux et difficile à vivre, mais qui peut également nous aider à grandir et à nous connecter plus profondément à notre propre humanité. Il n'est pas notre ennemi.
Le processus de deuil est différent pour chaque personne. Certaines personnes peuvent passer rapidement par les différentes étapes du deuil, tandis que d'autres peuvent avoir besoin de beaucoup de temps pour faire face à leur perte. Tout dépend du lien qu'on avait avec la personne décédée, de notre âge, des deuils éventuels qu'on a déjà vécus et qui sont ravivés, de la façon dont elle est décédée, de notre capacité à parler de notre intérieur...
Cependant, il est important de comprendre que le processus de deuil est normal et qu'il n'y a pas de bonne ou de mauvaise façon de le vivre.
Un deuil ne se "fait" pas. Il n'a pas de fin, comme quelque chose que l'on fait. C'est un processus qui se vit toute notre vie, et qui laisse une cicatrice indélébile. Le deuil est une longue traversée d'un désert à la recherche d'un sens nouveau.
Etapes du deuil : parfois un grand flou
L'une des étapes clés du processus de deuil est la reconnaissance de la perte. Cela peut prendre du temps et cela peut être difficile, mais il est important de permettre à nos émotions de s'exprimer librement. Pas d'injonction d'aller mieux ici : il n'y a pas de chemin tout tracé à emprunter.
L'excellent livre de Christophe Fauré, psychiatre spécialisé dans l'accompagnement du deuil, nous propose la lecture de ce travail en 4 grandes étapes.
Le choc et la sidération
Après l'annonce de la nouvelle tragique doivent s'organiser les obsèques. Des démarches administratives sans fin s'accumulent et nous maintiennent occupés. Nous sommes reconnus en deuil par notre entourage.
Mais très rapidement s'installe un temps vide où le silence devient pesant. L'absence de la personne nous envahit à tout moment. L'angoisse monte et nous fait perdre pied.
La fuite / recherche
Cette phase peut durer entre 6 à 10 mois. Bien sûr cela n'est pas une balise fixe et est toujours variable en fonction de l'individu et des circonstances.
Tout ce qu'on avait construit avec notre proche décédé s'écroule.
Les pertes de repères nous déstabilisent.
Soit nous allons fuir la douleur de l'absence dans une hyperactivité, en pensant pouvoir accélérer le processus de guérison.
Soit nous allons nous mettre à la recherche de l'autre en plaçant des photos partout autour de nous pour le faire exister. Le dernier message vocal devient un réconfort, le dernier vêtement porté devient doudou...
La déstructuration
On a pris maintenant conscience que l'autre ne reviendra jamais.
Le vide de son absence nous amène au désespoir.
On pensait avoir souffert tout ce qu'il fallait déjà. Mais cette phase nous fait ressentir encore plus de souffrance. On pensait avoir atteint le fond... on descend encore plus bas.
L'entourage est là et il pense qu'on est enfin passé à autre chose.
C'est la phase qu'on appelle de dépression. Celle-ci est la manifestation du chagrin, et elle est à distinguer de la dépression classique.
Cette phase peut apparaître 6 à 10 mois après le décès (chiffres indicatifs encore une fois, et à considérer avec détachement bien sûr) : troubles du sommeil, perte d'appétit, fatigue extrême, difficultés de concentration... Le deuil est un processus intense et très épuisant.
C'est une période qui sera peut-être teintée symptômes physiques tels des crises d'angoisse, des migraines, des palpitations, des nausées...
Une grande colère et une rancœur peuvent nous envahir, nous faisant vivre des sautes d'humeur, une grande irritabilité, de l'impatience.
On pourra se sentir coupable de ne pas avoir dit, fait certaines choses.
Pour quelqu'un de l'entourage qui a envie d'aider et qui se sent impuissant, il faudra tenter de faire penser non plus en termes de "cela te ferait du bien", mais plutôt "cela te sera utile".
Cela me sera utile de respirer de grands bols d'air en pleine nature. Je n'en ai pas envie, mais je sais que cela fera du bien à mon corps et à mon esprit.
Il y a quelques questions qu'on peut poser à la personne endeuillée et qui l'aideront à diminuer la charge émotionnelle douloureuse liée au décès :
- Parle moi de lui/d'elle : parcourir ensemble les albums photos, les petites anecdotes qui faisaient la saveur de leur relation unique. Parler ainsi de la personne perdue permettra de se réapproprier doucement son être, de la faire vivre à l'intérieur de soi.
- Raconte moi ce qui s'est passé, les circonstances de son décès : faire suffisamment de place au récit finit par l'apaiser ce récit douloureux.
- Où en es-tu physiquement ? Le corps porte profondément le deuil, et il a une incidence sur la production d'anticorps. Il induit une baisse des défenses immunitaires et rend l'endeuillé plus fragile sur les pathologies déjà existantes. Il est alors important de se préoccuper de l'état physique de la personne. Est-ce qu'elle dort bien, est-ce qu'elle mange correctement... l'amener à prendre soin de son corps, c'est également capitaliser pour le moment où il ira enfin mieux et où il pourra s'attacher à nouveau à de nouvelles expériences, de nouveaux endroits, de nouvelles personnes.
- Parle moi de tes émotions : de tes peurs, de ton sentiment de culpabilité, de soulagement de tristesse, ou d'ambivalence même. Il n'est pas rare que lorsque notre proche est décédé des suites d'une longue maladie, on se sente coupable de ne pas ressentir autant de chagrin qu'on l'aurait cru. Et cela est normal et dû au deuil anticipé. On s'est préparé depuis bien longtemps à son décès, le deuil a déjà commencé depuis quelque temps.
- Où en es-tu au niveau social ? Ce qui aide le plus la personne endeuillée est la perception subjective d’un réseau de personnes qui l'accompagnent. Avoir plusieurs personnes qui sont témoins de la souffrance, même si l'autre est impuissant et vraiment très aidant.
- Où en es-tu au niveau financier ? Parfois la perte de la personne est non seulement émotionnellement douloureuse, mais rend aussi le quotidien très inconfortable à cause de la perte financière qui lui est associée.
- Où en es-tu au niveau spirituel ? On associe souvent à tort le côte spirituel à un domaine plutôt religieux. Mais le "spirituel" n'est pas qu'une affaire de divinité... Tout le monde se pose par exemple un jour ou l'autre la question du sens de sa vie, qui est une question spirituelle.
Pour un accompagnement plus approfondi sur le sujet, visitez la page de Isabelle Verheyen, fondatrice du "Live and Leave in Peace project".
D'ailleurs, très bientôt vous pourrez découvrir le podcast que nous avons fait toutes les deux sur l'accompagnement de fin de vie et du deuil !
La restructuration
Cette phase a lieu sans qu'on en ait conscience. Elle débute au cours de la troisième phase et la chevauche même parfois.
La vie y reprend un déroulement plus harmonieux.
On se remet en relation avec les autres et en relation avec le monde.
La famille s’est reconstruite différemment.
Cependant certaines dates font leur apparition : le 1er Noël, un anniversaire...
Des évènements où l’on ira seul : un mariage, une naissance, une fête de village...
Cette phase est la recherche du sens que l’on donnera à sa nouvelle vie.
L’accompagnement sera basé sur cette recherche de sens avec l’endeuillé.
L'accompagnement au deuil
Tout l'enjeu de l'accompagnement thérapeutique au deuil est de créer des conditions pour aider à donner du sens à l'événement, qui n'a pas pu être évité.
Il s'agit de prendre confiance qu'au bout du compte, on va réussir à honorer la mémoire de la personne qui est partie.
Alison Fautré, Thérapeute individuel, couple et famille
22/03/2023
Sources principales :
Conférence "Vivre le deuil au jour le jour", Christophe Fauré, La maison des obsèques
Livre "Vivre le deuil au jour le jour", Editions Albin Michel
Livre Collectif, "L’Empathie", sous la direction de Alain Berthoz et Gérard Jorland, Editions Odile Jacob, Paris, 2004